Que les politiques s’évertuent à nous faire prendre des vessies pour des lanternes est dans l’ordre des choses. Qu’on nous prenne pour des demeurés est nettement plus périlleux. C’est ce qu’essaie pourtant de faire le gouvernement suédois avec l’affaire de la coopération militaire avec l’Arabie saoudite. Retour sur l’événement.
Depuis 2005, la Suède entretient une coopération militaire avec Riyad. Une collaboration qui gêne aux entournures quelques partis politiques suédois et notamment les Verts, alliés du nouveau gouvernement social-démocrate élu en septembre 2014. Les « pacifistes » Verts ne veulent pas que le royaume vende des armes aux dictatures. Renouvelé en 2010, l’accord aurait dû être reconduit en mai 2015. Les Verts ne le souhaitaient pas, pas plus que les Centristes, la Gauche, les Libéraux et les Chrétiens-démocrates. Les Sociaux-démocrates, fidèles à leur attitude ambigüe, entendaient bien les desiderata de leurs alliés Verts, mais ne désiraient pas au fond s’y soumettre. Il y a encore quelques semaines, Stefan Löfven évoquait la possibilité d’une renégociation de l’accord de coopération.
Les choses se sont précipitées lorsque Margot Wallström, la ministre suédoise des Affaires étrangères s’est vue remettre en place par l’Arabie saoudite en prévision d’une réunion de la Ligue arabe au Caire, en Égypte, où la patronne de la diplomatie suédoise devait s’exprimer. Au final, elle a dû annuler son intervention, dame Anastasie saoudienne ayant joué de ses grands ciseaux censeurs.
Que reprochait le régime de Riyad à la patronne des Affaires étrangères suédoises ! Les envolées droit-de-l’hommistes et féministes de son discours (galimatias pour les bédouins), mais surtout une réflexion qu’elle se serait permise il y a quelque temps en qualifiant la justice du régime wahhabite de moyenâgeuse à propos de la condamnation à 1 000 coups de fouet, dix ans d’enfermement et 300 000 euros d’amende du blogueur saoudien qui aurait insulté l’islam.
En réalité, l’Arabie Saoudite aurait appris que la Suède ne comptait pas renouveler le contrat de coopération militaire, ils auraient alors censuré le discours par trop progressiste à leurs yeux de Margot Wallström. Ce ne sont donc pas les Droits de l’Homme qui ont conduit à la rupture de contrat, mais bien l’inverse. En tout état de cause, Riyad a rappelé son ambassadeur. Mauvaise pioche économique pour les Suédois.
Il faut aussi savoir que la Suède souhaite siéger au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies dans deux ans et, que pour se faire, il vaut mieux rassembler à sa cause le plus de nations possibles. La Suède ayant reconnu la Palestine en tant qu’État à l’automne dernier a dû se sentir en confiance vis-à-vis des états arabes et se serait alors permis de rejouer les donneurs de leçon du monde libre en tançant le nouveau régime wahhabite sur la question des droits de l’Homme. Mal lui en pris !
Il ressort de cette affaire, outre un gros cafouillage de la part du gouvernement qui s’est pris les pieds dans le tapis, que les Verts ont montré leurs muscles et sont prêts à aller de nouveau à l’essai, que Stefan Löfven a encore perdu un peu plus de sa crédibilité et enfin que laisser Margot Wallström s’exprimer en électron libre de la diplomatie comporte de très gros risques politico-financiers.
Inch’Allah !