Si ce n’est pas de l’acharnement, c’est quoi au juste ? La bête noire des majors du disque, du septième art et des jeux vidéo, on a nommé, le site flibustier The Pirate Bay, n’a plus de serveurs, ni d’ordinateurs. La police suédoise les a saisis. Fini, du moins momentanément, le partage de fichiers dont le téléchargement a été déclaré illégal depuis belle lurette. En réalité, The Pirate Bay fournit des outils de partage, mais n’héberge aucun site de chargement sur ses serveurs, c.q.f.d..

 Qu’est-ce que la justice va encore trouver pour harceler encore un peu plus la bande des quatre qui, soit dit en passant, ont déjà largement trinqué ? L’aventure remonte à 2003. En empruntant un raccourci, ça s’impose sur la Toile, un financier, Carl Lundström, la cinquantaine, et trois trentenaires frapadingues d’Internet : Peter Sunde, Fredrik Neij et Gottfrid Svartholm Warg, montent le site The Pirate Bay qui permet aux internautes d’avoir accès à des fichiers films, musique et jeux via la technologie BitTorrent (peer-to-peer). Immédiatement, les majors du cinéma et du disque ripostent en exigeant la fermeture du site et de gros dommages intérêts pour violation du droit de la propriété intellectuelle. Durant six ans, The Pirate Bay nargue la justice au nom de la liberté d’expression. En 2006, la police suédoise confisque les ordinateurs des pirates. Qu’à cela ne tienne, trois jours après la perquisition, ils écument de nouveau le cyberespace.

Il faudra attendre 2009 pour les voir comparer en justice. Et là, ils écopent sec. Un an de prison ferme pour chacun et une amende de trois millions d’euros pour les majors qui pensent tenir là leur revanche. Les pirates font appel du jugement et obtiennent une réduction de leur peine de prison ferme, mais sont condamnés à verser des dommages intérêts plus élevés : plus de cinq millions d’euros ! Du grand n’importe quoi. Les quatre administrateurs déposent alors une demande de recours près la Cour suprême suédoise. Ils seront déboutés. Rejeté aussi le recours près la Cour européenne des droits de l’Homme. Les pirates mettent alors les voiles, direction l’Asie du sud-est. La Suède n’a pas d’accord d’extradition avec le Laos et le Cambodge, là où les boucaniers ont jeté l’ancre. Ils seront tous rattrapés. Gottfrid Svartholm Warg sera arrêté au Cambodge en 2012 et expulsé vers la Suède pour des raisons extrêmement fumeuses de visa. Il sera extradé vers le Danemark en 2013 qui le réclamait pour piratage informatique sensible. Il écopera de de trois ans et demi de prison qu’il purge actuellement. Fredrik Neij sera arrêté à l’automne 2014 à la frontière thaïlando-laotienne et extradé vers la Suède. Après deux ans de cavale, Peter Sunde sera, lui, intercepté dans le sud de la Suède après avoir réellement nargué toutes les autorités, celles de son pays, mais aussi européennes. Récemment, l’ancien porte-parole de The Pirate Bay, soutenu par le parti pirate finlandais avait fait campagne pour l’euro-députation. Ils clament encore tous que tout cela n’est qu’un procès politique et qu’ils n’ont nullement violé le droit d’auteur. Quant au financier, Carl Lundström, il a purgé sa peine, sans esclandre, et vit désormais en Suisse.

Le site pirate est touché, mais est-il coulé pour autant ? Il a prouvé jusqu’à présent qu’il a une solide propension, tel un phénix, à renaître de ses cendres. La saisie des ordis et des serveurs sera-elle la dernière salve qui enverra par le fond le navire écumeur ? L’un de ses cofondateurs, Peter Sunde, qui vient de sortir de prison, estime que le site pirate a vécu, que la philosophie qui l’animait n’est plus et qu’il va falloir trouver autre chose. Qu’en pensent les dizaines de millions d’internautes qui consultent depuis toutes ces années des centaines de millions de pages journellement ? Allez, la flibuste, à l’abordage ! Ne vous laissez pas mollir !